Jean-Marc Jancovici : « Il faut revenir à des villes significativement plus petites »

Publié le 28 janvier 2025 par Anna Mutin

 

JEAN-MARC JANVOCINI « IL faut revenir À des villes significativement plus petites »


Après les errements de 2024, l’année 2025 sera-t-elle une année fructueuse pour l’environnement ? Rien n’est moins sûr. Jean-Marc Jancovici (*), ingénieur et spécialiste des questions vertes, aborde avec nous les défis de la France et du monde sur le front de l’énergie, des transports, mais aussi des stations de ski.


 Succession des gouvernements français, atermoiements du Parlement européen, retour de Donald Trump aux États-Unis… l’environnement est le grand absent des prises de paroles publiques ces derniers mois, voire est devenu une cible. Qu’est-ce qu’il faudrait pour que l’urgence climatique redevienne une priorité en 2025 ?

« Mon sentiment, c’est que de toute façon sur ce sujet, qui est un sujet difficile, de renoncement, de compromis, de ''trucs qu’on n’aime pas faire'', c’est logique qu’il y ait des fluctuations. Par ailleurs, il me semble qu’il y a une mauvaise compréhension de l’effet qui est déjà en train de s’appliquer des limites planétaires. Et notamment celle qui s’est produite au moment des chocs pétroliers en 1974 et 1979, quand l’approvisionnement en pétrole par personne dans le monde est passé par un maximum. On est confrontés à cette limite planétaire depuis des décennies, sauf qu’on ne comprend pas que c’est ça qui est en train de se passer, donc on vit dans une espèce de monde dans lequel demain la croissance physique reviendra.

Par ailleurs, les États-Unis sont les États-Unis, le mode de vie américain n’aurait pas été plus négociable avec Kamala Harris élue comme présidente qu’avec Donald Trump. Au Parlement européen, ça n’a pas été une révolution totale ; il y aura des amendements, mais je ne pense pas que l’Europe va dévier de sa trajectoire à 90 degrés. En France, on est en ce moment dans la gestion de l’urgence et l’urgence aujourd’hui, c’est de voter un budget. »

Il y a trois ans, vous déploriez sur notre site un manque de recul d’Emmanuel Macron sur les questions climatiques. Vous faites le même constat aujourd’hui ?

« Oui, sauf que ça n’a plus d’importance car ce n’est plus lui qui est aux commandes. Personne ne l’est. Au moment où il a été élu pour son premier mandat, Donald Trump venait d’être élu et donc les États-Unis étaient hors course sur ces sujets, Angela Merkel était en fin de mandat donc faible politiquement ; le monde économique était prêt. Il y avait une opportunité historique pour lui. Je suis triste de voir qu’il n’a pas eu d’intuition. Aujourd’hui, la situation est compliquée et inconfortable. Il y a pourtant une majorité sur la transition écologique et l’on n’en fait rien. »

 « Si vous faites les gros gestes, vous pouvez laisser couler l'eau du robinet en vous lavant les dents»

Ça, c’est pour le côté politique et puis il y a le quotidien des Français. Est-ce que vous considérez que les petits gestes ont encore un poids en 2025 ?

« Ce qui sert à quelque chose, ce sont les gros gestes. Il y a un premier paquet qui ne dépend pas de nous, ce sont les services publics (hôpital, armée, etc.), mais sinon les grosses actions individuelles, c’est sur les déplacements, les régimes alimentaires, les achats et le confort du logement. Si vous les faites, vous pouvez laisser couler l’eau du robinet autant que vous voulez en vous lavant les dents, ce n’est vraiment pas grave ! »

Côté déplacements, Lyon et Strasbourg ont durci les critères dans leur zones à faibles émissions (ZFE) le 1er  janvier. Est-ce qu’il faut des ZFE partout pour le climat ?

« Je n’ai pas vraiment d’avis sur la question. C’est surtout un enjeu de pollution locale, pas tant de climat. La voiture électrique répond partiellement à cet enjeu. »

 

 « Quel est l'intérêt d'avoir des poulets brésiliens en France ? »

Avec votre think tank le Shift Project, vous avez fourni un rapport sur la décarbonation dans le secteur agricole, qui représente tout de même près de 20 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Vous avez notamment montré que ce n’était pas l’envie qui manquait aux agriculteurs d’être plus vertueux…

« Globalement, ils n’ont rien contre répondre aux attentes sociétales, mais le seul obstacle au changement est économique. Ils sont actuellement dans une équation économique qui les oblige à faire comme ça. Depuis que nous sommes une civilisation d’actifs, nous sommes également devenus une civilisation de consommateurs de produits transformés : yaourts, pain, pâtes… Quand vous passez à la caisse du magasin, il n’y a que 7 % du ticket qui va aux produits agricoles eux-mêmes, soit 1,5 % de nos dépenses totales. Vous vous rendez compte ? »


Photo Jean-Marc JanvociniJean- Marc Janvocini. Photo EBRA /Alexandre Marchi


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Un article rédigé par un journaliste du journal L'Est Républicain