À Nancy, des dispositifs électroniques plus économes en énergie et plus performants ?

Publié le 24 février 2025

À Nancy, des dispositifs électroniques plus économes en énergie et plus performants ?


Les travaux de Jon Gorchon, un chercheur du CNRS qui travaille pour l’Institut Jean-Lamour à Nancy, pourraient transformer la mémoire informatique. La spintronique ouvre en effet la voie à la création de dispositifs électroniques plus rapides, plus petits et plus économes en énergie.


En 2024, le CNRS a décerné une médaille de bronze à Jon Gorchon, dont les travaux à l’Institut Jean-Lamour (CNRS/Université de Lorraine) ouvrent de nouvelles perspectives en spintronique et en optique ultrarapide. Cette récompense a mis en lumière sa contribution à la recherche fondamentale et ses implications potentielles pour l’avenir des technologies de l’information. Photo Séverine Kichenbrand


Vous êtes spécialiste de la spintronique. Pourquoi avoir choisi ce domaine et pourquoi Nancy ?

Jon Gorchon  : « Quand j’étais petit, je voulais être inventeur, j’ai toujours aimé les sciences. Après mon bac, j’ai intégré l’INSA (Institut national des sciences appliquées) à Toulouse et j’ai compris que c’était la physique qui m’intéressait le plus. J’ai fait mon stage de fin d’études au Laboratoire de physique des Solides à Orsay où j’ai ensuite préparé une thèse sur le déplacement des parois magnétiques, les interfaces entre des régions d’aimantation différentes que l’on trouve dans les aimants. C’était mes premiers pas dans le magnétisme. En 2008, j’ai fait mon postdoctorat aux USA, au laboratoire national Lawrence-Berkeley. C’est là que je me suis spécialisé en physique ultrarapide. J’ai travaillé sur de nouvelles façons de manipuler les aimants à l’aide de lasers. En 2017, je suis arrivé à Nancy et à l’Institut Jean-Lamour tout simplement parce que c’est l’un des meilleurs endroits en France pour la physique du magnétisme ultrarapide. »


On dit de vos recherches qu’elles offrent un potentiel inouï pour les nouvelles technologies, qu’elles pourraient révolutionner le stockage d’informations et permettre une informatique plus frugale. Comment ça marche ?

« Dans l’électronique classique, on s’intéresse au mouvement de la charge des électrons. Là, on s’intéresse au spin des électrons, c’est-à-dire au petit aimant porté par chaque électron. Ce nouveau regard ouvre en effet la voie à une nouvelle physique et donc à des dispositifs électroniques novateurs avec des fonctionnalités nouvelles, potentiellement plus rapides et économes en énergie. Pour parler de nos recherches, je vais partir des découvertes d’ Albert Fert, le prix Nobel 2007 de physique. Il a démontré que la résistance électrique pouvait dépendre fortement de l’aimantation magnétique. Pour vulgariser, on peut faire une analogie entre la résistance électrique d’un matériau et une vanne qui contrôlerait le passage du courant. Avec des matériaux magnétiques, cette vanne peut s’ouvrir et se fermer en fonction de l’aimantation, c’est la magnétorésistance. Avec mes collaborateurs et toujours en gardant l’analogie de la vanne, on s’intéresse à l’effet inverse. Nous imposons un fort courant à travers la vanne pour « forcer son ouverture » et donc modifier l’aimantation à travers le courant. Plus particulièrement, à Nancy, on essaye de réaliser cette manipulation à des vitesses extrêmes, à l’échelle de la picoseconde, ou le milliardième de la seconde. Et pour atteindre ces vitesses, nous utilisons des impulsions laser ultra-courtes. »


Donc c’est en manipulant l’aimantation des métaux à des vitesses extrêmes que vous pourriez permettre la création de dispositifs électroniques plus économes en énergie et plus performants ?

« Quand on fait de la recherche fondamentale, on cherche avant tout à avancer dans l’état des connaissances générales. Mais disons que oui, comme la spintronique est proche de l’électronique, il y a effectivement beaucoup d’applications possibles dans les nouvelles technologies. Si la capacité de stockage des disques durs est énorme, c’est déjà grâce à la spintronique. Nos recherches pourraient donc aussi permettre à l’informatique d’être plus frugale, ce qui ne peut qu’être bon pour la planète. Reste qu’il faudrait utiliser ces avancées avec l’intention d’être plus frugal et non pas avec l’intention de stocker toujours plus d’informations ou de calculer plus, ce que l’on appelle l’effet rebond. Cela pose donc des questions sur ce qui sera fait de cette possible frugalité. »


> Lire l'article dans son intégralité