Astrophysicienne au Centre de recherche astrophysique de Lyon, Isabelle Vauglin est membre du comité de pilotage de l’événement « Ici on agit ! » qui aura lieu en 2025 dans la capitale rhônalpine.
Son objectif : exposer au plus grand nombre les défis imposés à l’humanité par le changement climatique.
Isabelle Vauglin, au centre de recherche Astrophysique de Lyon : "Nous avons le devoir d’agir pour faire bouger les gens. On ne doit pas lâcher !" Photo Florence Fournier - Propos recueillis par Sébastien Calemard - 21 févr. 2024 à 06:05
Ce matin de la fin janvier, Isabelle Vauglin nous reçoit dans une salle, feutrée et majestueuse, de l’Observatoire de Lyon à Saint-Genis-Laval, tandis que dehors s’est déjà imposée une douceur anormalement printanière. L’astrophysicienne est avenante, et généreuse. Car l’emploi du temps de la présidente de l’association Femmes et sciences est très chargé.
Elle partage ainsi une partie de ce temps qu’elle entend impérativement employer pour parler du changement climatique et des solutions qu’elle espère voir mises en œuvre pour en limiter les effets. Notamment en participant au comité de pilotage de l’événement « Ici on agit ! », organisé par le groupe EBRA (auquel appartient votre journal) à Lyon en 2025.
Qu’est-ce qui vous a incitée à participer à l’élaboration de la journée événement « Ici on agit ! » ?
Mon but premier est d’entraîner le maximum de public dans la compréhension de ce qui se passe, des changements majeurs au pied desquels on se trouve. J’en ai moi-même pris conscience il y a une quinzaine d’années en allant travailler en Antarctique et en écoutant mes collègues. Avec d’autres chercheurs, nous avons créé une structure au sein du CNRS, le collectif Labos 1point5, qui traite toutes les thématiques : la physique de l’atmosphère, la climatologie, la glaciologie, mais aussi les sciences humaines et sociales, car les changements dans la société vont être majeurs. Je pense qu’il est indispensable, malgré tous les obstacles politiques, économiques, sociétaux, de continuer à informer les gens. De les convaincre de croire à la réalité de ce qui va arriver, qui est scientifiquement avéré.
«Je voudrais que les gens repartent de cette journée avec l’idée qu’ils peuvent faire quelque chose»
Et aussi, donc, de les convaincre qu’il y a quelque chose à faire ?
Exactement. Un aspect important de cette journée est de ne pas rester statique : on sait ce qui va arriver, il faut adapter notre façon de vivre. La Terre a des dimensions finies, donc des ressources finies ; la croissance économique perpétuelle est une aberration absolue. Notre façon de consommer ne peut pas durer. Il va falloir changer. Et plus tôt on agit, mieux c’est. Lors de cette journée, je voudrais que les gens repartent avec l’idée qu’ils peuvent faire quelque chose. En tant que consommateur, on a une très grande force.
« Impossible que l'humanité migre sur une autre planète »
En astrophysique, il est beaucoup question d’ordres de grandeur. Quel rapport avec le sujet du climat ?
Lors de mes interventions auprès des scolaires, j’entends les élèves dire : « Vous, les astronomes, vous avez découvert des milliers d’exoplanètes ». Il faut leur faire prendre conscience que, vu les distances dans l’univers, il est strictement impossible d’envisager que l’humanité migre sur une autre planète. Avec notre sonde la plus rapide, New Horizons, on mettrait 74 000 ans pour atteindre l’étoile la plus proche ! On n’a pas de plan B. Nous avons le devoir d’agir pour faire bouger les gens. On ne doit pas lâcher !
Vous présidez Femmes et sciences. Les femmes ont-elles un rôle particulier à jouer dans la transmission de ces valeurs ?
Les sociologues ont démontré que les femmes sont les premières à subir les effets de l’évolution climatique. C’est par exemple elles qui sont de corvée d’eau, de plus en plus difficile et longue, ce qui correspond à des petites filles qui sortent du système éducatif. Or pour faire avancer les choses, le seul moyen est d’éduquer. Pour ce qui est de l’aspect purement scientifique, je pense que nous sommes devant des défis tellement importants que nous ne pouvons plus -nous ne devons plus- nous passer de la moitié des talents de l’humanité.
Un article rédigé par des journalistes du journal Le Progrès.
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