Fini le soja importé du Brésil, cet éleveur bovin nourrit ses vaches avec ses propres cultures
Fini le soja importé du Brésil, cet éleveur bovin nourrit ses vaches avec ses propres cultures
Philippe Bonnier, éleveur de vaches allaitantes à Coise, dans les monts du Lyonnais, s’est engagé depuis un an dans un processus de réduction de l’empreinte carbone de son exploitation. Il cultive désormais sur ses terres les protéines végétales destinées à ses bêtes, afin de ne plus importer de soja brésilien.
Philippe Bonnier, éleveur de 85 vaches allaitantes, à Coise. Photo Stéphane Monier
Quitte à prendre des risques, certains acteurs de la filière bovin viande s’engagent pour un élevage plus propre. C’est le cas de Philippe Bonnier, éleveur de bovins à Coise, village agricole d’un millier d’âmes perché dans les monts du Lyonnais.
En 2019, ce dernier a transformé son exploitation, passant de l’élevage de vaches laitières à celui de vaches allaitantes, des limousines destinées à la production de viande. « J’ai fait ce choix car les vaches allaitantes offrent plus de souplesse en termes d’organisation », explique celui qui, en plus d’être le maire du village, est aussi vice-président délégué à l’Agriculture à la Communauté de communes des monts du Lyonnais.
Philippe Bonnier montre un mélange de céréales produites directement sur son exploitation, vouée à être consommée par les bovins. Photo Stéphane Monier
Philippe Bonnier, éleveur de vaches allaitantes, à Coise. Photo Stéphane Monier
Entre 5 et 10 tonnes de soja importé chaque année pour une petite exploitation
Depuis un an, Philippe Bonnier a entrepris de réduire l’empreinte carbone de son élevage de 85 animaux, en travaillant sur une meilleure autonomie protéique de son troupeau. Pour se développer, les ruminants doivent se nourrir d’un mélange de céréales, généralement cultivées sur place, et de protéines végétales, souvent du soja, une des sources végétales les plus riches en protéines au monde, dont plus de la moitié de la production mondiale est produite en Amérique du Sud. « Pour une exploitation de petite taille comme la mienne, il fallait importer entre 5 et 10 tonnes de soja chaque année », détaille-t-il. Après un an, Philippe Bonnier n’en achète plus que 500 kilos, « et bientôt plus du tout », se réjouit l’intéressé.
L’éleveur produit désormais de la luzerne, du trèfle et des pois, directement sur son exploitation. « Cela permet notamment de supprimer les gaz à effet de serre liés à l’importation du soja mais aussi de réduire les intrants : avec la densification des cultures, on a moins besoin d’herbicides », détaille-t-il.
Pour soigner son impact sur la planète, l’agriculteur a actionné un second levier : l’entretien de ses haies. Régulièrement taillées, ces « soldats naturels du climat » absorbent et stockent efficacement le carbone. Le bois récupéré lors de ces coupes est broyé et fait office de litière pour les ruminants. « Cela permet de faire venir moins de pailles et donc d’économiser encore des émissions de gaz à effet de serre », prolonge Philippe Bonnier.
« C’est un tout autre métier »
Ce dernier est bien conscient des risques économiques liés à ces transformations. « C’est un tout autre métier, explique-t-il. Il faut apprendre à planter, à cultiver, à gérer les aléas climatiques… et tout cela comporte son lot d’incertitudes. »
Afin de sécuriser cette transition, l’éleveur a bénéficié d’un soutien financier de la Région, à hauteur de 15 000 € sur cinq ans.
« Nous avons touché une partie de l’enveloppe au début, après avoir réalisé un diagnostic. Un bilan est prévu à mi-parcours puis un dernier à la fin des cinq ans. Nous obtiendrons la totalité de la somme uniquement si nous avons réussi nos objectifs », explique-t-il.
Sur la « nécessité d’engager cette transition écologique », Philippe Bonnier échange régulièrement avec d’autres éleveurs de la filière. Selon l’éleveur, les professionnels du secteur ont pris conscience des enjeux environnementaux. « Émettre moins de carbone, dépenser le moins d’eau possible, ne plus faire venir de soja depuis l’Amérique du Sud. Aujourd’hui, tout le monde en parle et cela a du sens, pour la planète mais aussi pour être moins dépendants des autres pays », martèle-t-il. Mais l’éleveur balaye tout idéalisme : « Il ne faut pas non plus vendre du rêve ou un système magique : il faut que ces transformations en faveur de l’écologie soient logiques et économiquement viables pour les éleveurs et les agriculteurs », prévient-il.