L’agriculture bio remonte la pente et séduit encore

Publié le 24 février 2025

L’agriculture bio remonte la pente et séduit encore            

 Consécutive à deux années inflationnistes, la dégringolade de la consommation de produits bio a durement affecté les producteurs. Pour autant le secteur séduit toujours les jeunes agriculteurs, notamment en Grand Est où, si la surface agricole dédiée diminue, le nombre de fermes progresse.

La vente de produits bio commercialisés en circuit court reprend des couleurs. Photo Sipa/Romain Doucelin

La crise covid et la guerre en Ukraine constituent les deux principales causes de la diminution de la part bio dans nos assiettes. Mais s’il pointe volontiers ces « deux chocs inflationnistes « Jérémy Ditner, président de Bio Grand Est, veut croire en une prochaine sortie du tunnel : « Depuis le 1er  semestre 2024 on sent les prémices d’une reprise de la consommation. Le second semestre devrait la confirmer. « Pour le blé, la collecte était très basse en 2024 et le marché à tout de suite réagi à la hausse. Globalement on retrouve désormais des prix à un niveau proche de la normale ».


Bouderie des consommateurs

« Mais ceux-ci concernent principalement les produits commercialisés en circuit court » précise toutefois l’agriculteur. Dans son viseur, la grande distribution où les denrées progressivement déréférencées en raison de la bouderie des consommateurs, n’ont toujours pas retrouvé leur place sur les étals. « Une situation qui ne peut plus durer » prévient Jérémy Ditner. Comme l’ensemble des acteurs de la filière, le producteur a cru le sort de l’Agence bio scellé à la suite d’un amendement déposé en janvier au Sénat en faveur de sa suppression. Face à la levée de boucliers, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, plutôt favorable à la mesure d’économies de 2,9 M€/an, s’est finalement prononcée en faveur du maintien de la structure. Au grand soulagement de la profession. « La suppression d’un tel outil ferait courir le risque d’invisibiliser un peu plus la bio. Dans notre région, le secteur représente 4 120 agriculteurs, soit 10 % de la production agricole couvrant 8 % de la surface agricole utile ».


La part du bio dans les cantines scolaires reste en deça de l'objectif prévu dans la loi Egalim. Photo d'archives ERV


Diversification des productions

Autre nouvelle encourageante, lors d’une récente rencontre avec la profession Franck Leroy, président de Région, a réaffirmé les ambitions de la collectivité en matière de développement de la filière. « Il nous a confirmé sa volonté de tendre vers l’objectif de la loi Egalim ». Laquelle fixe à 20 % la part des produits bio dans les cantines scolaires. « Pour l’heure on en est à peine à 10 % » déplore le président de Bio Grand Est. Mais les outils sont en place : « On dispose d’une offre structurée pour répondre à la demande des collectivités. Ainsi que des plateformes logistiques permettant de centraliser les denrées qu’il s’agisse de légumes, de lait, de viande ou de produits d’épicerie. »

Enfin, le choc inflationniste n’a pas découragé les candidats à l’installation. « Dans notre région, plus de 30 % des jeunes s’installent en bio alors qu’on ne représente à peine 10 % de l’ensemble des agriculteurs » rapporte Jérôme Albert exploitant en polyculture-élevage à Guinglange. Lequel se félicite en outre de la diversification des productions. De quoi compenser la vague de déconversions qui en 2023 a affecté près de 4 % des exploitations (- 8 000 hectares) concernant principalement les grandes cultures et les filières longues. « Les jeunes générations ont une appétence pour le bio, y compris en maraîchage, en viticulture ou en arboriculture, encore faut-il leur offrir un avenir et parvenir à percer le plafond de verre. On reste sur des équilibres très fragiles ».


« Ce challenge du bio, on l’a réussi, non sans fierté »

Avec 145 hectares et un troupeau d’une cinquantaine de vaches, Jérôme Albert perpétue la tradition familiale avec la satisfaction d’avoir rallié dernièrement son fils à la cause. Le passage en 2016 de l’agriculture conventionnelle au bio s’est effectué en douceur. « Techniquement on produit la même quantité de lait et on a même augmenté la masse salariale, avec le maintien d’un employé et l’installation de mon fils » confirme le quinquagénaire dont la ferme à Guinglange (Moselle) étire son périmètre à quelques encablures de Faulquemont.

Contrairement à d’autres, le Mosellan n’a pas pâti de l’évolution du prix du lait, consécutive à la poussée inflationniste. « Il faut rendre grâce à notre collecteur la Fromagerie Hutin à Dieue-sur-Meuse ». Si l’exploitation n’a pas grandi en taille c’est en raison de la volonté de l’intéressé de consacrer davantage de surface à la production laitière qu’aux céréales. « C’était un challenge, on y est parvenus non sans fierté » assure Jérôme Albert. Pour autant la partie n’est pas encore gagnée. « Il faut trouver des leviers pour doper la consommation » exhorte-t-il à l’adresse des pouvoirs publics : « Le consommateur doit-il être la seule variable d’ajustement ? » s’interroge-t-il en réclamant l’effectivité de la loi Egalim.

« Vision à court terme »

Tout en saluant le recul gouvernemental concernant le démantèlement de l’Agence bio, Jérôme Albert ne cache pas son agacement vis-à-vis « du discours prônant la levée des contraintes environnementales » : « C’est une vision à court terme, la réintroduction des néonicotinoïdes est préjudiciable pour l’environnement mais aussi pour la profession qui coupe la branche sur laquelle elle est assise. Il faut être cohérent ! » fulmine celui qui dénonce en outre la confusion entretenue chez les consommateurs entre la certification Bio et le label HVE (Haute valeur environnementale) : « Que les produits HVE bénéficient d’aides publiques comparables, génère un vrai problème de distorsion de concurrence et participe à invisibiliser le bio » déplore l’intéressé soucieux de faire respecter le niveau d’exigence auquel il est astreint.


> Lire l'article dans son intégralité